Aymeric Segard et Pierre-André Zimmermann ont plongé dans l’aventure brassicole écoresponsable en reprenant une brasserie en liquidation et en créant l’entreprise Tandem en 2019 à Wambrechies. Un choix audacieux qui a porté ses fruits. Six ans plus tard, la production est passée de 70 000 à 1,5 million de litres de bière. Si son acolyte a voulu prendre un peu de recul et s’orienter vers d’autres activités, Aymeric, en revanche, est toujours aux commandes. Forte du succès rencontré par Poule Mouillée, Bonne Pioche ou encore Pas Cap’, la brasserie lance début novembre Même pas mal, sa première bière sans alcool …
Comment est née cette aventure ?
Aymeric Segard : A l’origine, j’étais directeur régional d’un groupe de crèches privées et la rencontre avec Pierre-André Zimmermann s’est faite grâce à nos épouses respectives en 2018… Pierre-André avait créé sa micro brasserie et un ateliers de brassage à La Madeleine et j’étais moi-même brasseur amateur. J’éprouvais une grande envie d’entreprendre et en apprenant que la brasserie Habert était en liquidation à Wambrechies, Pierre-André et moi avons décidé de nous associer et de nous lancer en 2019. C’était un défi mais nous n’étions pas complètement novices non plus en brassage. On est repartis à zéro sur le site de Wambrechies, on a juste conservé la ligne de production. Cela nous a beaucoup aidés et nous avons gagné beaucoup de temps grâce à cette reprise.
Comment avez-vous choisi le nom de la brasserie ?
AS : (sourire) Nous formions un duo, nous étions toujours ensemble, beaucoup à vélo, ça s’est imposé comme ça…Tandem.
Quel type de bière souhaitiez-vous créer ?
AS : On a voulu créer une brasserie qui nous ressemble, avec des bières qui expriment cette tradition du Nord mais aussi la volonté de se démarquer en offrant des saveurs uniques, tout en misant sur l’éco responsabilité. La démarche écologique a été immédiate, c’était une sensibilité commune avec Pierre-André. Nous avons lancé une campagne de production de 1000 litres, elle était appréciée. En avril 2019, est née Poule Mouillée, une IPA, une bière plus amère qu’une blonde classique. En gros c’était « Fais pas ta poule mouillée, goûte même si c’est amer… » (rire). Chaque bière a son identité et raconte une petite histoire…
Comment se sont déroulés les premiers mois ?
AS : Au début, nous avions un petit point de vente, un entrepôt de 200 m2, mal isolé, avec une salle de production très limitée en termes de capacité. Beaucoup d’inconfort de travail… Pierre-André s’occupait de la partie production/gestion et moi de la partie vente, marketing et communication. Tous les jours j’allais voir entre 5 à 10 prospects, notamment des cavistes. Nous avons beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux, par le bouche-à-oreille … Nous avons aussi été aidés par Pôle Emploi (Ndlr France Travail) en tant que porteurs de projet ainsi que par la CMA HDF, avec Mathieu Wijnen mais aussi François Tourment, qui nous a fait participer en février 2019 à un salon à Amiens. Ça a marché plutôt vite et bien.
Puis en 2019, Pierre-André a décidé de prendre du recul, il avait envie d’autre chose, l’évolution était trop rapide et cela ne correspondait plus trop à ce qu’il voulait. Il a donc quitté l’entreprise, mais avons conservé de très bonnes relations. J’ai racheté ses parts et fait rentrer un investisseur familial. Une fois que la gamme a été consolidée, c’était plus facile. De mai 2019 à mars 2020, nous avons vendu 70 000 litres de bière.
Des bières aux noms insolites et humoristiques
Et puis la pandémie est arrivée …
AS : Oui mais ça a marché quand même. On a fait de la livraison à domicile. Nous avons livré des quantités phénoménales de bière, nous étions débordés de commandes. Cette période a aidé à développer la notoriété de Tandem. Il a fallu déménager car nous n’avions plus assez de place pour la production… Les banques nous ont fait confiance et nous avons pu déménager durant l’été 2021, toujours à Wambrechies. Un an après, on a compris qu’on serait encore en sous-capacité. On n’imaginait pas un tel succès. Fin 2021, nous avons lancé un restaurant La Brasserie Tandem à Wambrechies, d’une cinquantaine de places, qui marche plutôt bien. Cela permet d’avoir un retour sur nos bières.
Les noms de vos bières sont insolites, amusants …Comment les choisissez-vous ?
AS : Nous voulions quelque chose d’original, drôle, pas vulgaire… Avec toujours un côté humoristique et ludique. Des étiquettes colorées que nous avons conçues avec une agence lilloise, Corpus. C’est ainsi qu’on a créé Bonne pioche puis Attrape nigaud, Pas Cap ! (une triple avec 8% d’alcool). Poule Mouillée ou Bonne Pioche sont devenues des incontournables.
La démarche éco responsable est au cœur de votre entreprise, pouvez-vous expliquer de quelle manière ?
AS : Fabriquer de la bière n’est pas bon pour la planète, pour la consommation d’eau notamment. Nous en sommes bien conscients. Nous avons un cahier des charges exigeant. Nous avons opté pour le lavage de nos bouteilles via Haut La Consigne et nous en rachetons aussi, ainsi que pour le recyclage de nos emballages et de nos conditionnements. Nous portons ces convictions, donc on rogne sur nos marges. Je reste attentif à garder un produit de qualité, même si nos bières sont chères à produire. Nous avons investi aussi dans des capteurs de consommation d’eau et d’électricité pour optimiser notre production en conséquence. Le concept de responsabilité sociétale est important chez Tandem. On a une équipe formidable qui partage notre vision. Chacun apporte son énergie, ses idées. C’est un vrai travail d’équipe !
Quel bilan faites-vous au bout de six ans ?
AS : Je suis content, fier aussi, s’il fallait le refaire je le referai à 100%, notamment en faisant si possible une reprise, on gagne un temps fou. Depuis six ans, j’ai acquis en maturité, je suis plus lucide aussi mais j’ai toujours des envies, je rêve toujours… (sourire) Je continue à goûter la bière, je reste un artisan brasseur même si la taille de l’entreprise a considérablement changé ! Le succès de Tandem prouve aussi que l’audace, la prise de risques, l’ambition forte, paient. Aujourd’hui Tandem c’est une équipe de 24 personnes, la moitié en production, l’autre en commercial et administratif. Nous sommes passés de 70 000 litres à 1,5 million en six ans.
« On a voulu relever le défi d’offrir une bière sans alcool aussi savoureuse que les autres »
Quelles sont vos projets ?
AS : Nous sommes à présent plutôt bien connus dans les Hauts-de-France et nous commençons aussi à travailler en Ile-de-France. On s’est donné un plan sur trois ans, notre notoriété nous permet de choisir le territoire à tester…On a trouvé notre place même si la concurrence est plus rude qu’à nos débuts. Nous allons lancer notre première bière sans alcool, Même pas mal, début novembre 2024 et une bière 100% française au printemps 2025.
Qu’est-ce qui vous a poussé vers ce nouveau défi ?
AS : On a remarqué que la demande pour des bières sans alcool est croissante. Il y a de plus en plus de gens qui veulent profiter du goût de la bière sans forcément consommer d’alcool. Avec Même pas mal, on a voulu relever le défi d’offrir une bière avec 0,5% d’alcool, blonde et bien aromatique avec juste une petite amertume en fin de bouche, mais qui soit tout aussi savoureuse que les autres. Ce sera une bière qui a du corps dans la longueur. Contrairement aux bières sans alcool habituelles, Même pas mal va se démarquer par son goût. Elle sort officiellement lundi 4 novembre et sera progressivement en magasin. C’est un nouveau défi, mais on aime ça ! C’est aussi un moyen de montrer que l’univers de la bière artisanale est en pleine mutation.
Crédit photos DR CMA HDF
Brasserie Tandem (siège)
564 rue Clément Ader
59118, Wambrechies
03 20 31 78 57
contact@brasserie-tandem.com
https://www.brasserie-tandem.com/