« Le plus important c’est de consolider pour transmettre »

C’est en contemplant, gamine, la restauration des plafonds de la galerie des glaces à Versailles dans l’émission Des Racines et des Ailes, que Marion a compris qu’elle tenait là sa vocation : « restaurer le beau » … Peu attirée par les études générales, dès l’âge de 12 ou 13 ans, elle a rencontré de professionnels des métiers d’art qui ont fini de la convaincre. « J’ai fréquenté des salons, des musées et j’en suis ressortie avec cette certitude : il fallait que j’aille au bout de mon rêve ! » A 18 ans, après voir tout de même obtenu son bac, « au cas où » selon la volonté de sa mère, Marion part à Paris et s’inscrit en 2005 à l’Ecole de Condé où elle s’oriente vers la restauration de peinture sur chevalet. « J’ai découvert le papier et là, ça a été une révélation. »

Cinq ans plus tard, son Master en Restauration et Conservation du Patrimoine spécialité Arts Graphiques en poche, Marion retourne dans les Hauts-de-France où elle s’installe en tant qu’artisane d’art en 2012. La jeune restauratrice va désormais être sollicitée par des particuliers, des galeries et des musées qui apprécient son travail soigné. Des pages et des documents très abimés reprennent vie sous ses mains expertes. « Le papier est un matériau fragile, il faut être minutieux et patient pour le travailler. J’adore la matière, la fragilité, le toucher, cela procure de l’émotion mais aussi de la satisfaction, confie Marion tout en travaillant délicatement sur une gravure publicitaire du début du XXè siècle.

Comme un supplément d’âme

Comme sur une table d’opération, les œuvres fatiguées, usées, délavées par les outrages du temps attendent un diagnostic et une réparation soignée… Marion, telle une magicienne, estompe, consolide, colmate, retend, rafraichit. Le papier japonais, le Kozo, issu du murier est particulièrement utilisé dans la restauration, pour redonner une nouvelle vie à ces documents, comme un supplément d’âme. « La diversité des supports est également très intéressante, précise Marion, on peut travailler autant sur du papier que sur des globes, des éventails, des tableaux. La technique graphique est aussi très variée (gouache, pastel..). »

En 2019, la jeune femme a d’ailleurs été récompensée pour son savoir-faire rare par la CMA HDF qui lui a décerné le titre de Maître artisan ainsi que la charte Qualité Confiance, pour la satisfaction de sa clientèle. « Prendre soin de ce patrimoine artistique est devenu une vraie passion, s’enthousiasme la jeune femme. Quand on restaure un document, ce n’est jamais la même tache, la même altération…La poussière est l’un de premiers facteurs de dégradation, il faut donc d’abord dépoussiérer le support avec une gomme. Pour un nettoyage en milieu humide, il y a d’autres techniques ( pulvérisation, immersion, flottaison). Il n’y a pas de routine dans ce métier, c’est ce qui est incroyable.»

L’unique restauratrice de documents anciens de la région agréée Musées de France

Ce qui anime Marion Herbaux avant tout c’est la transmission patrimoniale. « Pour les générations futures, c’est important, nous sommes des restaurateurs, des conservateurs… Il faut aussi accepter de ne pas ôter toutes les taches …Le plus important c’est de consolider pour transmettre ces documents qui ont vécu et dont certains ont, outre une valeur matérielle, une grande valeur affective. »

Afin d’être agréée Musées de France et pouvoir travailler avec un plus grand nombre d’établissements, Marion Herbaux vient de finaliser sa VAE à la Sorbonne en obtenant un Master Pro Conservation et Restauration option Arts Graphiques. Elle est désormais la seule restauratrice de documents anciens à détenir cet agrément dans la région. Parmi les projets de la jeune restauratrice : le désir de mieux sauvegarder le patrimoine dans les Hauts-de-France. Marion a ainsi créé en novembre 2023, le relais régional du Bouclier Bleu, qui œuvre à la protection du patrimoine culturel mondial en informant, sensibilisant le public à sa fragilité.