A l’occasion de sa participation au salon du Made in France (MIF), du 6 au 9 novembre 2025 à Paris, qui met en lumière le talent et le savoir-faire des artisans français, la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Hauts-de-France (CMA HDF) entend bien affirmer la place essentielle de l’artisanat régional dans l’économie et le patrimoine national. Défendre les savoir-faire des Hauts-de-France, transmettre aux jeunes générations, relever les défis de la formation et l’apprentissage sont autant d’enjeux au cœur de l’action de la CMA HDF. Son président, Laurent Rigaud, nous partage ici sa vision d’un artisanat fort, attractif et tourné vers l’avenir.
–Monsieur le président, la CMA HDF met à l’honneur cette année encore l’artisanat des Hauts-de-France au Salon du Made in France (MIF). Quels sont les objectifs de cette participation pour la CMA HDF et les artisans de notre région ?
-Laurent Rigaud : Je n’imagine pas un salon national où la région ne serait pas représentée et notamment les artisans des Hauts-de-France et leur savoir-faire. Une dizaine d’artisans* vont nous représenter au MIF et montrer combien nous sommes riches de compétences artisanales.
–Quels types de savoir-faire et d’entreprises artisanales allez-vous faire découvrir au public parisien du MIF ?
-LR : Nous avons sélectionné plusieurs types d’entreprises qui vont du fabricant d’objets en bois (2virgule5d) à la créatrice de luminaires éco responsables (Déco Trèfle) mais aussi un brasseur désormais reconnu (Les Apidés), une créatrice d’accessoires (Hauts les Fleurs), une osiériste (Hélix Atelier), un créateur de peluches artisanales (Pamplemousse peluches), un fabricant de cosmétiques naturels et écoresponsables (Savonnable), un spécialiste d’accessoires en verre soufflé (Photographie soufflée), une créatrice de mode écoresponsable (Saguita). Voilà, tous ces artisans représentent avec talent différents métiers, à la fois traditionnels et innovants, qui vont permettre de montrer au public ce qu’ils savent faire de leurs mains.

-Quel message souhaitez-vous faire passer en représentant l’artisanat régional à ce salon national ?
-LR : L’idée c’est de montrer que l’artisanat c’est riche ! Montrer qu’il y a différents profils, de tous âges, montrer que ce sont de métiers « passion » et que tout est possible. En cette période économique délicate que nous traversons, beaucoup veulent donner du sens à leur vie et ces métiers de l’artisanat le permettent.
–Si vous deviez citer deux ou trois défis majeurs auxquels font face aujourd’hui, les artisans des Hauts-de-France, lesquels évoqueriez-vous ?
LR : Je dirais tout d’abord qu’il faut continuer à former, bien former, partout dans la région, dans toutes les filières. Ensuite, on voit bien que le développement économique est difficile et que l’équilibre financier de nos entreprises, avec la flambée du prix de l’énergie, des matières premières, est un sujet préoccupant pour tout le monde et nous devons en ce sens, continuer à accompagner nos entreprises. Enfin, le dernier défi est d’être là pour tous, même au fin fond de la région. Dans les territoires ruraux comme dans les grandes métropoles il y a des artisans. Il faut donc que les entreprises puissent y rester pour exercer leur métier.
« La priorité pour faire grandir l’artisanat c’est la formation, il n’y a pas de secret ! »
-Et à plus long terme, quels leviers ou priorités estimez-vous essentiels pour faire grandir l’artisanat dans la région ?
-LR : La priorité c’est la formation, il n’y a pas de secret ! La première marche pour avoir des artisans demain c’est la compétence et le savoir-faire. Tout cela s’apprend par le transfert de compétences et la formation. C’est important pour les apprentis et apprenants d’apprendre aux côtés des artisans dans les entreprises et d’évoluer dans des centres de formation avec de beaux plateaux techniques et de bons professionnels. C’est pour cela qu’on se bat, pour conserver nos centres de formation. Qu’ils soient grands ou petits, c’est la première marche pour avoir des artisans demain ! S’il n’y a plus les outils pour se former, on perd les savoir-faire artisanaux. Notre objectif à la CMA c’est de protéger ce savoir-faire.
– On évoque le retour du « fait main » … paradoxalement les métiers de la main souffrent encore trop souvent d’un manque de reconnaissance… Quelle place occupent-ils réellement dans l’économie régionale ?
-LR : Tout le monde reconnait que ces métiers sont essentiels et en même temps ils sont bousculés, notamment avec l’arrivée de l’IA … Donc on laisse croire que demain c’est avec son smartphone, avec des formations rapides, qu’on peut devenir pâtissier, boucher, menuisier… alors que c’est faux, il faut des formations de qualité car leur place est fondamentale dans notre économie.

-Transition écologique, circuits courts, économie de proximité… En quoi les artisans sont-ils des acteurs incontournables ?
-LR : Aujourd’hui on parle de tout cela, de « circuits courts », de « proximité », etc., mais les artisans ne sont jamais allés acheter au Brésil leurs matières premières !… Quand ils travaillent des tuiles dans l’Aisne par exemple, ils s’approvisionnent localement. Il faut le dire, le démontrer aujourd’hui. Dans les métiers de la main, même si la technologie est très utile, ce n’est pas encore l’IA qui fait tout même si on sait qu’elle va transformer nos métiers. Il y a déjà des artisans qui l’utilisent dans leur communication, leur quotidien. C’est une dynamique qui va les propulser encore un peu plus loin, faciliter leur travail, tout en gardant cette compétence de la main. La tête et la main, tout cela avec beaucoup de cœur, bien sûr !
-Comment la CMA HDF accompagne-t-elle les artisans face aux enjeux actuels ?
-LR : La CMA HDF est très présente sur l’ensemble des territoires, connait très bien les artisans mais personnellement je souhaite faire encore davantage en utilisant les forces vives de la CMA, de l’ensemble des collaborateurs et aussi les organisations professionnelles. On doit collaborer davantage avec ces dernières qui effectuent un travail remarquable. On doit travailler encore plus main dans la main. Avec 133 000 artisans dans la région, il y a de quoi faire ! Quand je vois que, par an, 250 000 artisans appellent la CMA HDF (appels entrants), on voit bien qu’il y a un besoin de suivi et si la CMA se fait davantage accompagner par les organisations professionnelles ce sera, à mon sens, plus efficace. Il faut être encore plus solidaires, mutualiser nos ressources, travailler en commun. On doit réfléchir à comment faire évoluer notre modèle économique artisanal. C’est pour cela aussi qu’il est intéressant de faire rentrer des jeunes dans nos organisations et de déléguer afin qu’ils puissent nous aider aussi et nous dire comment ils imaginent demain.
133 000 entreprises artisanales qui portent la région Hauts-de-France
–Comment valoriser davantage ces métiers auprès du grand public et notamment des jeunes ?
-LR : Il faut que les gens se rencontrent ! j’ai toujours dit – cela fait 35 ans que je suis artisan boucher – tous les ans, au moins une fois, un week-end j’ouvre mon entreprise et je la fais visiter. Et quand les gens voient ce qui se passe derrière c’est toujours intéressant. A la Chambre de Métiers, c’est la même chose avec les Mercredis de la Formation ou nos Journées Portes Ouvertes, nous faisons découvrir nos métiers et nos formations (carrossier, esthéticienne, boulanger, coiffeur, mécanicien, etc.). Les jeunes doivent « toucher » les métiers, rencontrer d’autres jeunes, c’est comme ça que cela doit fonctionner. On doit aussi transformer nos métiers, les faire évoluer au fil du temps. Il y a un vrai « boulevard » pour les jeunes dans les métiers de l’artisanat.
– Est-ce qu’il y a des chiffres dans les Hauts-de-France en matière de création ou de reprise d’entreprises artisanales qui illustrent cette vitalité ?
-LR : Il y a à peu près 133 000 entreprises dans la région HDF. Et par an, il y a 7000 entreprises supplémentaires dans l’artisanat. C’est beaucoup plus qu’une entreprise automobile ou une usine de batteries. Donc il y a un réel dynamisme.
–Quels sont les secteurs les plus porteurs dans l’artisanat aujourd’hui dans les Hauts-de-France ?
-LR : Les secteurs les plus porteurs actuellement sont : l’Alimentaire (fabrication de plats préparés, pâtisseries,) c’est une filière qui « cartonne », on remplit des sections et il y a beaucoup de formations dans ce domaine pour la reconversion. Le Bâtiment (travaux liés à la rénovation énergétique), est aussi très demandé, ainsi que la Production (graphisme décoration, fabrication et finissage de meubles) et les métiers de Services (nettoyage courant de bâtiment). Il y a une dynamique dans ces secteurs mais cela va certainement évoluer et il y aura d’autres métiers qui seront plébiscités à l’avenir. Le principal est d’être présent pour bien accompagner toutes les filières et innover pour demain.

–Préserver les savoir-faire, c’est aussi transmettre. Quel rôle joue la CMA HDF auprès des artisans dans le domaine de la formation ?
-LR : La CMA HDF a un rôle fondamental puisqu’elle représente les compétences et le savoir-faire se trouve dans les entreprises artisanales. Elle est également experte dans la formation avec les 17 centres de formation répartis dans toute la région. Tous les acteurs de la CMA HDF jouent un rôle primordial, de transferts de compétences dans l’apprentissage et dans la formation continue.
Nous sommes experts dans de nombreux métiers, nous formons du CAP au Bac + 2 donc nous pouvons accompagner beaucoup d’artisans. On trouve pratiquement toutes les formations dans les territoires des Hauts-de-France, nous avons aussi les professeurs les mieux qualifiés qui connaissent parfaitement leur métier. Notre particularité à la Chambre est d’avoir aussi des élus, notamment des jeunes, très engagés, qui connaissent très bien les métiers enseignés. Nous avons donc tout ce qu’il faut ici pour bien développer, former et accompagner l’artisanat.
–Quels sont les grands défis pour attirer et former cette relève artisanale ?
-LR : On réfléchit aux entreprises de demain et je pense qu’il manque une formation qui corresponde aux besoins de ceux qui se forment à la reprise d’une entreprise. Il manque un maillon à notre chaîne qui doit être plus en phase avec les attentes… Cela pourrait être un module qui permette de transmettre nos entreprises. Je ne sais pas encore sous quelle forme mais j’aimerais bien le proposer avant la fin de la mandature et le faire valider notamment par des jeunes qui aurait déjà la compétence métier.
« La première lumière d’un village c’est un artisan qui l’allume »
–Quel message fort souhaitez vous adresser aux jeunes qui hésitent encore à choisir une voie artisanale ?
-LR : Il ne faut pas hésiter car je le redis, il y a un « boulevard » devant eux ! (Sourire) On peut trouver dans l’artisanat un métier passion, un métier adapté à sa vie, qui permette aussi de bien la gagner.
-Vous jouez un rôle clé au sein de la CMA HDF, vous coordonnez l’action des élus et menez des actions de terrain auprès des artisans de toute la région, depuis bientôt 5 ans. Vous avez souhaité impulser davantage de vitalité, de soutien, depuis votre arrivée… Quel vœu formuleriez vous pour l’avenir de l’artisanat dans les Hauts-de-France et plus largement pour l’artisanat « Made In France » ?
-LR : Je pense qu’on doit repenser à ce qui est notre ADN depuis très longtemps – 100 ans cette année – : la Chambre de Métiers et de l’Artisanat c’est la maison des artisans, chacun doit pouvoir s’y retrouver. La proximité est donc indispensable.
On voit bien aussi que notre tutelle, l’Etat nous observe et s’interroge sur la pertinence d’une CMA dans un territoire … Je pense qu’il a bien compris, notamment dans les Hauts-de-France que c’est l’intérêt du développement économique. On a parlé de circuits courts et bien l’artisanat représente tout cela et répond à un besoin. L’un des mes amis, Gabriel Hollander a dit fort justement : « la première lumière d’un village c’est un artisan qui l’allume ». Il y a toujours un atelier allumé dans nos villes et nos villages et c’est ça aussi « être dans la vie des gens ». Nous faisons partie du quotidien depuis bien longtemps et ça doit continuer. Et la CMA doit être là pour porter la parole des artisans. Et à mon sens, l’artisanat de notre région et plus largement l’artisanat Made In France passe par les jeunes artisans.
Chiffres : Sources CMA France -Traitement : DMC – Service Etudes – CMA Hauts-de-France
Crédit photos DR CMA HDF