Homme de caractère, passionné, Hervé Leroy incarne la liberté artisane … Ce natif de Lille, féru d’Histoire, œuvre depuis trente ans à la rénovation et à l’étanchéité de nombreuses toitures du patrimoine bâti et des bâtiments historiques des Hauts-de-France. Avec ses équipes, l’artisan a participé à la restauration notamment des toitures de l’Hospice Comtesse de Lille, du musée des beaux-arts de Lille, de la gare de Saint-Omer ou encore de l’église de Flers… Celui pour lequel la transmission du savoir-faire est essentielle, s’est confié, -avec un franc-parler qui n’appartient qu’à lui-, sur un métier qui exige du savoir-faire mais aussi le goût de la transmission et beaucoup d’humilité.
Ce qui frappe en entrant dans les bureaux de l’entreprise Leroy, à Lomme*, ce sont les ouvrages grandeur nature au milieu du hall, chef-d ’œuvres de zinc, de cuivre, de plomb, de tuiles ou encore d’ardoises, ornements de toutes sortes, épis, coqs, girouettes, qui témoignent de la diversité de compétences d’Hervé Leroy et de ceux qui travaillent à ses côtés. Derrière l’homme plutôt taiseux, se cache en réalité un passionné. Lorsqu’Hervé Leroy s’ouvre c’est pour parler de son amour du métier de couvreur, de la transmission fondamentale, du savoir-faire. L’artisan révèle aussi sa passion pour l’Histoire, pour la beauté du patrimoine, d’où son goût pour la restauration. Des monuments séculaires qui racontent l’histoire de la France, un pays avec un « héritage historique immense » qui le rend « viscéralement fier d’être français », lâche-t-il.

« C’était une évidence pour moi de continuer ce que mon père avait fait. »
« Ce métier je ne l’ai pas eu dans la peau tout de suite… », reconnait Hervé Leroy, appuyé à un énorme œil de bœuf en zinc. Dès l’âge de 12 ou13 ans, il aide son père à l’atelier, tous les mercredis et samedis mais rêve d’aventure. L’envie d’aller voir ailleurs, plus loin que les toits du Nord, le titille … A 17 ans, le caractère déjà bien affirmé, Hervé intègre l’armée, séduit par l’esprit de corps, la fraternité et entre en formation chez les parachutistes. D’abord à Tarbes puis à Toulouse au 14 è RPCS où il signe un contrat de trois ans. « J’ai beaucoup aimé et puis je crois que c’est là aussi à un moment que j’ai compris que j’étais fait pour faire le même métier que celui de mon père », lance-t-il. A 22 ans, il se fait embaucher à l’atelier paternel puis rejoint l’Ecole supérieure de couverture (ESC) d’Angers, un centre de formation d’excellence, garante d’un savoir-faire architectural, qui transmet les savoir-faire de la couverture depuis 1929. Après six mois de formation complète, Hervé ira tour à tour travailler chez Balas, spécialisé dans la restauration de monuments historiques à Paris, puis chez Toitures Petit & Fils, artisans du patrimoine à Saumur. Il retourne à l’atelier de son père à Loos et travaille à ses côtés jusqu’au décès de ce dernier, à 53 ans. Hervé décide tout naturellement de reprendre les rênes et de développer l’entreprise, dont il conservera le nom « J. Leroy », en mémoire de celui qui l’a créée. « J’avais 27 ans. C’était une évidence pour moi de continuer ce que mon père avait fait. » confie-t-il. Pas seulement par fidélité filiale mais aussi pour le métier. Parce qu’entre les toits et les couvreurs, il y a ce lien, celui de la transmission d’un amour pour le travail bien fait. Viser toujours plus haut, plus beau, plus grand.

Aujourd’hui l’entreprise J. Leroy réalise la rénovation de toitures, l’étanchéité et la restauration de toitures de bâtiments historiques ou patrimoniaux, travaille pour les particuliers et les collectivités. Elle utilise de l’ardoise, du cuivre, du bois ou encore des tuiles en terre cuite pour réaliser la couverture des toits, créer des éléments ornementaux en cuivre, en zinc ou en plomb. Aux côtés d’Hervé, Sandrine, son épouse et collaboratrice, l’épaule au quotidien et 26 employés œuvrent sans relâche, avec la même exigence. Certains sont là depuis vingt-cinq ans… « J’en ai formé beaucoup et puis ils ont formé à leur tour », explique Hervé Leroy. L’une de leurs deux filles dirige, depuis peu, Les Compagnons du Nord, l’autre structure, spécialisée dans la couverture et la zinguerie. « J’ai tout fait pour que mes enfants ne me suivent pas, s’amuse l’artisan, mais au fond je suis très heureux que l’une de mes filles l’ait fait… »
« Un beau bâtiment c’est celui sur lequel on n’a pas l’impression d’être passé ! »

Même si l’innovation a trouvé sa place dans l’entreprise pour faciliter le travail, avec des machines numériques qui débitent les feuilles de zinc ou refendent le cuivre, il n’en reste pas moins que depuis des siècles, les techniques de travail demeurent inchangées. Tout comme les outils. Tous constituent une trace tangible de la mémoire collective. « Cela fait cinq siècles que les outils n’ont pas changé… », explique Hervé Leroy en montrant le marteau d’ardoise et l’enclume. « C’était à mon père… il est signé de sa main » ajoute-t-il pudiquement. Et de concéder : « les seules choses à avoir évolué sont le fer à souder au gaz et la sécurité des échafaudages avec la mécanisation. »

Au-delà des compétences, on comprend aussi en écoutant Hervé Leroy que le métier de couvreur exige agilité, endurance et équilibre, couplant l’intelligence du geste à celui de la hauteur. Quand on lui demande sur quel chantier il a eu le plus de plaisir à travailler, l’artisan répond du tac au tac : « le prochain. L’histoire du bâtiment me marque plus que la technicité. » On devine à cette réponse que chaque lieu est unique, à chaque fois un défi. Les toits, sont des lieux magiques, qui exigent d’être respectés et suffisamment appréciés pour s’inscrire dans un héritage patrimonial. Le travail d’un artisan couvreur doit être à la hauteur de la beauté des lieux pour bien les restaurer. Parmi ses chantiers les plus prestigieux, citons tout de même sa participation à la restauration des toitures de l’Hospice Comtesse de Lille, du musée des beaux-arts de Lille, de la gare de Saint-Omer ou encore de l’église de Flers. « Un beau bâtiment pour moi c’est celui sur lequel on n’a pas l’impression d’être passé ! lance Hervé Leroy. Il n’oublie pas la coupole du Carlton à Lille, qui l’a marqué. « Parce que tous les hôtels Carlton sont différents et que celui-là, la reine Mary y est passée. Nous avons une Histoire incroyable en France et nous ne la mettons pas assez en avant. Il suffit de lever les yeux pour être transportés… Mais il faut de l’humilité devant la matière, sinon ça craque … Le monde entier nous envie Versailles, les châteaux de la Loire, tout ce patrimoine unique, au point même que les Chinois nous copient … Vous connaissez un pays qui accueille autant de visiteurs par an pour découvrir ses monuments et sa gastronomie ? On devrait s’en souvenir plus souvent. »
« Qui n’a jamais rêvé d’une telle immortalité de la transmission du savoir-faire ? »

Hervé Leroy fait partie de ces artisans couvreurs qui magnifient le paysage urbain avec les mêmes gestes, les mêmes outils qui n’ont pas changé depuis des siècles. Sa passion pour l’artisanat l’a même incité en 2018 à relever un défi lancé avec un copain : partir à la rencontre des artisans des Hauts-de-France en sillonnant la région à vélo et les faire témoigner de leur métier. « On en avait marre d’entendre toujours dans les reportages, des choses dévalorisantes sur les gens de cette région, on a eu envie de montrer à quel point il y avait des hommes et des femmes de valeur et notamment des artisans, ici ! » Hervé a conservé de cette expérience baptisée A la rencontre des mains en or, un souvenir inoubliable. « J’ai rencontré des gens extraordinaires, tous différents pendant deux mois. J’ai de beaux souvenirs, notamment celui de Séverine, une ferronnière de l’Aisne qui m’a vraiment épaté ! Nous avons réalisé 36 vidéos en tout, c’est dire ! … C’était épuisant aussi, il faut l‘avouer, – je pesais 30 kg de plus, ironise-t-il-, j’ai mis mon activité d’artisan entre parenthèses mais quelle expérience ! On a eu des télés, des articles… Nous avons reversé 1 € pour chaque kilomètre parcouru, aux Clowns de l’Espoir, soit 3000 euros . »
Quand on aborde les perspectives du métier de couvreur et l’avenir de la profession, Hervé Leroy est sans filtre : « Certains métiers de l’artisanat sont impactés mais pas nous dans notre profession. Nous n’avons pas de difficultés à recruter aujourd’hui, même si ça dépend des années. C’est un très beau métier qui permet d’être indépendant financièrement toute sa vie. La transmission aux générations futures est la seule chose qui compte, sinon il n’y a pas d’avenir. Qui n’a jamais rêvé d’une telle immortalité de la transmission du savoir-faire ? »
Et de conclure avec un léger sourire : « Mon prochain défi ? Transmettre à mes enfants avant de prendre ma retraite … »
Pour que le geste, le savoir-faire du métier de couvreur continuent de voyager, d’une main à l’autre, d’un toit à l’autre, d’un siècle à l’autre…
Crédit photos : CMA HDF – Entreprise J. Leroy
*Toitures J. Leroy
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